Souviens toi.. que nous nous sommes montré la voie • [Luke Stanley]

Mois de novembre, samedi matin. Poudlard est calme, certains font encore la grasse matinée, d’autres ont malheureusement cours.

J’ouvre les yeux et m’étire comme un chat, les fesses en arrière et le menton écrasé sur mon oreiller. Le dortoir des filles est baigné de lumière, mais presque désert. Je me laisse tomber de mon lit, littéralement, et respire l’odeur du tapis en soupirant.
J’ai horreur des samedis matins. Rien à faire de la journée à part attendre la potentielle soirée qui viendra dans beaucoup trop d’heures.
Je rampe comme une grosse larve jusqu’à mes vêtements et les enfile en me tortillant au sol. J’aime ce petit rituel stupide. Me rouler par terre est une passion, que voulez-vous. A présent vêtue d’un short, de grandes chaussettes multicolores et d’un t-shirt trop large, je prends appui sur mon coffre et me lève. Je baille et m’étire, renonçant définitivement à faire quoi que ce soit pour mes cheveux.

Je traine les pieds jusqu’aux escaliers et m’assieds sur la première marche. La pierre froide me fait frissonner et termine de me réveiller. Je glousse et lâche un petit bruit strident avant de dévaler les escaliers sur les fesses, les bras battant l’air.
Je ris à gorge déployée, arrivant les quatre fers en l’air au milieu de la salle commune bondée. Ils sont tous occupés à discuter, lire ou faire leurs devoirs. Dans un coin, un petit groupe échange des cartes de chocogrenouilles. Un regard circulaire et je bondis de joie : Luke est là. Ca fait un moment qu’on a pas eu l’occasion de discuter, et je veux, j’exige, des nouvelles fraiches et croustillantes !
Je me mets à galoper à travers la pièce, bousculant quelques imprudents restés sur mon passage, et me jette sur ses genoux. Un immense sourire aux lèvres, j’attrape ses petites joues dans le creux de mes mains et lui dépose un énorme baiser sur le haut de la pommette gauche.

« Luke mon poto ! J’allais finir par te croire mort ! S’que j’suis contente de t’voir ! »

Aussitôt, le visage de mon ami se fend d’un large sourire. Ou plutôt ce qui ressemblerait à un sourire si je ne l’écrabouillais pas.. Sa petite bouille m’avait tellement manquée !

Lisa, content de te voir aussi ! Ça fait longtemps dis moi... me lance t-il dès que je le libère, retrouvant au passage l’usage de la parole. Alors ma Lisa, quoi de neuf ?
Je hausse les épaules et me mets à jouer avec ses cheveux. Ils se dressent en petites mèches folles autour de son visage d’enfant, pourtant trop sexy pour en être réellement un..
Je réfléchis vaguement, ne voyant aucun évènement notable à lui conter. Ces temps-ci tout est calme. Trop calme. J’en viens même à me mettre au travail. Encore une semaine comme ça et je serais une vraie Serdaigle, sérieuse et tout ce qui va avec !
Je glisse une petite mèche autour de mon doigt et réponds : « Eh bien petit chat.. C’est que je m’ennuierais presque ! Pas de bonne soirée à l’horizon, ni trop d’aventure.. »
Je grimace. Ne rien avoir de croustillant à raconter me déprime. C’est à croire que je suis presque en train de perdre mon grain de folie. Soudain, je me mets à sautiller sur ses genoux, lui broyant très certainement les cuisses avec mes os de fesses pointus..
« Diiiiiiiiiis ! Et si on passait la journée ensemble, pour rattraper le temps perdu ? On ferait des conneries comme d’hab ! Et puis ce soir la fête ! Une beuverie comme on les aime dans la salle sur demande ! »
Un immense sourire aux lèvres, des yeux de teckel amoureux, je me balance de gauche à droite, attendant qu’il craque et dise oui.

Luke est un des meilleurs amis que j’aie à Poudlard et ailleurs. J’adore sa compagnie et je sais qu’aucune situation ne sera gênante avec lui. Même un silence qui s’éternise n’est pas un problème, on profite simplement d’être ensemble. Nous nous faisons entièrement confiance et quand l’un de nous va mal ça ne dure pas très longtemps : tout est prétexte à rire.
Beaucoup pourraient s’imaginer des choses sur notre relation, sur le fait que nous soyons si proches.. Mais pour l’instant c’est une amitié tout à fait innocente.
J’espère très sincèrement qu’il n’a rien d’autre prévu aujourd’hui, j’ai besoin de retrouver mon troll bien aimé moi ! Pour l’instant mon rêve est de siroter une bierraubeurre vautrée contre lui. Certes il est dix heures.

Alors qu'est qu'on attend ! me lance-t-il en me reposant au sol d’un geste affectueux.
« Ouuuuuuuui ! » m’exclamais-je en tournant sur moi-même et applaudissant. Quelques regards outrés et étonnés se posent sur nous. A cette heure-ci, ils ne semblent pas encore tous très frais.. Amusée, je me laisse entrainer par mon ami, bras dessus bras dessous.
On va où ? Parc ? Forêt interdite ? Ca y’est, Luke est à fond. Je retrouve celui que j’aime ! C’est fou comme sa compagnie a pu me manquer. Il m’apporte beaucoup. Avec la panique et le travail de ces derniers jours, j’ai vraiment besoin de soutien et de détente. Qui de mieux placé que lui pour ça ?

Nous marchons à travers le château, croisant quelques personnes qui flânent, un sac ou un livre à la main. C’est si bon de voir que de temps en temps le rythme ralentit un peu ici. En semaine tout le monde est tellement pressé et c’est la ruée dans les couloirs. Couloirs dans lesquels nous avons actuellement l’immense privilège de ne pas être compressé contre un gros Serpentard puant des aisselles.
Le temps que je réfléchisse à l’endroit où nous pourrions nous rendre, nous arrivons déjà dans le hall. Un joyeux brouhaha s’échappe de la Grande Salle et surtout une irrésistible odeur de viennoiseries. Mon estomac se manifeste bruyamment, grondant et bousculant tout sur son passage. C’est à cet instant que Luke semble se souvenir que je suis là, sortant de sa contemplation admirative d’une bande de Serpentard. Je souris. Il a toujours voulu être accepté par ces personnes mais il est bien trop timide pour se lancer, se croyant stupidement inférieur.
Je presse son avant-bras avec douceur, l’encourageant d’un regard. Il me relance quant à l’endroit où aller et je me contente de lui répondre : « Je fonce chercher quelque chose pour notre petit-déj et toi essayes au moins d’aller leur dire bonjour ! »
Je m’élance ensuite vers les immenses tables remplies de victuailles, la bave aux lèvres.

J’enroule dans une serviette quatre croissants, une pomme et des pancakes avant de me précipiter de nouveau vers les grandes portes, cherchant du regard mon compagnon. Un croissant entre les dents et les yeux un peu perdus, je m’avance dans le hall sans le voir.

Je fini enfin par remettre la main sur Luke qui se servit dans nos réserves et m’annonça d’une voix encombrée de miettes que nous irions à la Cabane Hurlante. Un petit sourire en coin apparait sur mon visage alors qui nous nous mettons en route pour Pré-au-Lard. J’ai eu bien peu d’occasions de visiter cette maison réputée la plus hantée de Grande-Bretagne et bla-bla-bla.. Bien entendu je suis comme tout le monde allée jeter un œil devant le portail en troisième année, lorsque tous les plus jeunes essaient de jouer les téméraires. Mais je ne suis jamais allée plus loin que le vestibule. Par manque de courage bien entendu, je ne me cherche pas d’excuse ! Il est vrai que les bruits qui y résonnent sont loin d’être rassurants et puis.. je suis une fille intelligente, je tiens à rester en vie un peu plus longtemps que dix-sept ans.
Cependant je prends la proposition de mon ami comme un défi supplémentaire à relever, il est grand temps que je montre que je peux être folle jusqu’au bout !
Nous traversons le village brumeux en silence. Nous croisons quelques têtes connues de Poudlard mais, bien trop concentrés sur notre escapade, nous ne nous attardons pas à papoter.
Au bout de quelques minutes de marche dans le froid nous prenons le chemin qui descend vers la cabane miteuse et ralentissons à l’abord de la porte d’entrée. Honneur aux dames, je suis un homme galant, c'est bien connu. me glisse t-il en montrant la porte. Je lui lance un regard faussement excédé assortit d’une horrible grimace comme j’en ai le secret. « Mais bien sûr, toujours le premier à fanfaronner n’est-ce pas ? Heureusement que je t’aime bien.. » dis-je en poussant la porte d’un geste magistral. Le battant de bois rebondit contre le mur et manqua de justesse de se refermer à notre nez. Retenant un frisson derrière un éclat de rire bien peu convainquant, je fais un pas en avant.
Tout est sombre et semble encore plus froid à l’intérieur. Je prends la main de Luke dans la mienne et l’attire avec moi dans le couloir de l’habitation. Le parquet craque sous nos pieds et le bruit du vent à l’extérieur résonne comme une bourrasque tonitruante. Nous avançons timidement, balayant du regard les murs autour de nous. Je finis par m’immobiliser et je me retourne vers mon compagnon, pas énormément plus fier que moi. J’ignore pourquoi il a voulu venir jusqu’ici alors qu’il existe quinze millions d’endroits plus chaleureux dans le coin.. Mais peu importe. J’essaye de poser ma voix et murmure, n’osant pas troubler le silence de ce lieu. « Alors, on fait quoi maintenant ? Pourquoi venir ici ? » Puis, je décide de tenter la plaisanterie pour détendre l’atmosphère. « Tu as un truc grave à me dire que tu ne peux pas dévoiler dans un endroit où on risquerait de nous entendre ou quoi ? »

Luke reste silencieux un moment avant de s’avancer tel un fantôme vers les escaliers. Il se met à gravir marche après marche avec une lenteur effrayante. Ses pieds ne touchent plus terre, ou presque et un souffle vient me glacer la nuque. La cabane suinte la magie noire par tous les pores, jamais je n’ai eu tant l’occasion d’observer pareil phénomène. Il nous faut quitter cet endroit au plus vite !
Ma voix est éteinte, ma gorge sèche et c’est après un effort surhumain que je parviens enfin à prononcer le nom de mon ami. Je l’aperçois encore à travers les lattes de parquet vermoulu. Il semble complètement en transe, plongé dans un autre monde lorsqu’il me répond. « Je sais pas… J'avais juste envie de revenir ici. D'ici quelques mois, on ne pourra plus le faire alors, j'en profite. » Sa phrase tourne en boucle dans ma tête. Il a raison. Bientôt nous quitterons Poudlard et tout ce qui va avec. Nos amis, cette nouvelle famille que nous avons tous trouvée. Mon estomac se tord, me faisant réaliser à quel point je ne veux pas quitter ce château où toute ma vie s’est déroulée.
Au dessus de ma tête, j’entends Luke bouger, soupirer. Notre matinée est loin de tourner comme je l’avais imaginée, un peu trop sentimentale et mélancolique. Et il faut ajouter que l’endroit choisi est loin d’être propice à l’amusement. Je sens une présence, une surveillance.. Au fond de mes tripes je suis convaincue que nous ne sommes pas seuls. Ma voix se fait urgente lorsque j’appelle à nouveau mon compagnon. Cependant, aucune réponse, seulement le silence le plus oppressant de ma vie. Puis soudain c’est l’explosion ! Un bruit de chute retenti à l’étage supérieur, faisant trembler toute la maison sur ses faibles fondations. Aussitôt, envahie par une bouffée de courage inhabituel, je tente de me précipiter vers l’escalier. Mais c’est peine perdue. Mes pieds refusent de m’obéir, je suis comme paralysée, prisonnière de mon propre corps.
« Luuuuuuuuuuuuuuukeee ! » Mon cri se mue en un râle déformé et monstrueux. J’ai l’atroce sensation d’être dans un cauchemar, un de ceux dans lesquels ont est totalement impuissant..
Plus haut, de lourds bruits résonnent. Je ne saurais dire s’il s’agit du vent contre la maison ou d’une lutte. La peur m’étreint le ventre et je lève mes grands yeux vers le plafond, tentant désespérément de comprendre.